L’Encyclopédie Agora : une collaboration accessible à tous

L’encyclopédie de l’Agora est une ressource numérique curieuse qui adopte une approche alternative du savoir. La ressource, dans son introduction, se propose non pas de se définir comme une encyclopédie mais comme étant une « œuvre » à part entière. La volonté manifestée est celle de centraliser le savoir et la culture en l’axant selon un modèle progressiste. L’objectif n’est pas seulement de rassembler un maximum de savoir mais essentiellement d’accueillir  des opinions, des points de vus divergents  et d’élaguer les informations superflues afin de transmettre l’essentiel tout en prônant la transdisciplinarité. Ainsi, sa « finalité est la compréhension du monde présent, dont un des impératifs est l’unité de la connaissance ».

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Cette ressource prône la liberté de l’esprit et de l’information comme il en est question sur la page « Une oasis de sens » où l’encyclopédie essaye de se distinguer des autres encyclopédies en expliquant quel est son but, elle se définit comme étant le symbole d’une collaboration internationale. La collaboration internationale est l’une des problématiques qui la distingue des autres encyclopédies. Cette encyclopédie est en effet au centre de nos préoccupations sur les digital humanities puisque que comme il l’est  dit dans le manifeste des Digital Humanities, publié sur le site ThatCamp, il s’agit de développer des expérimentations dans le domaine du numérique, de faire évoluer le travail collectif dans le cadre d’une mise en commun des connaissances, un progrès des connaissances. De plus, deuxième définition présente dans le manifeste et qui caractérise parfaitement le site de l’Agora, c’est l’importance dans cette nouvelle discipline que sont les Digital Humanities, du libre accès à l’information. L’indéniable et indiscutable avantage de l’Encyclopédie de l’Agora est sa gratuité, au contraire d’encyclopédies plus prisées comme Universalis ou Britannica.

Récemment, l’encyclopédie de l’Agora a été intégrée au sein d’un ensemble plus vaste : le portail  Homo Viviens qui rassemble l’ensemble des sites récents associés à l’encyclopédie de l’Agora (diverses encyclopédies, des dictionnaires scientifiques ou artistiques, sentiers, débats). Pour plus d’informations, il est intéressant de s’arrêter sur le Manifeste d’Homo Vivens.

L’encyclopédie de l’Agora dispose d’une interface chatoyante, toute en contraste, aux couleurs claires et harmonieuses mettant en avant le menu principal multicolore de la ressource se situant sur la gauche de l’écran, organisé suivant douze onglets thématiques. Cependant, il est difficile à première vue de trouver des renseignements sur cette encyclopédie sans utiliser la barre de recherche simple. En effet, l’utilisateur est confronté à un trop plein d’informations et d’outils ce qui trouble le lecteur dans sa recherche initiale, on ne sait pas par où commencer.

La page d’accueil de la ressource numérique adopte une structure complexe. Elle abrite en son centre un espace dédié à des articles d’actualité, le tout encadré par deux barres verticales d’onglets et chapeauté par une barre d’onglet horizontale. La barre horizontale évoque la fusion d’Agora et Homo Viviens en proposant un lien interne vers ce portail. Ce portail propose des onglets vers ses différentes encyclopédies. C’est le cas par exemple de l’encyclopédie sur la mort et l’inaptitude qui proposent respectivement des développements sur la place de la mort dans la société et sur les inaptitudes physiques et mentales chez les incapables majeurs (tel que l’autisme). Le portail offre également d’autres dossiers en rapport avec des faits de sociétés et des actualités sur la droite de la page d’accueil. L’organisation du site et sa clarté ne sont donc pas rendues optimales par les créateurs du site puisqu’on retrouve des informations similaires à deux endroits différents.

La barre latérale gauche facilite néanmoins la navigation de l’internaute selon douze onglets thématiques, comme nous l’avons dit précédemment, allant de la Politique à l’Histoire en passant par l’Art et la Science. Cet onglet « Art » regroupe des articles teintés de philosophie traitant de l’actualité de l’art et d’artistes actuels comme c’est par exemple le cas de Tarantino. C’est cet onglet qui va nous servir au cours de notre recherche.

S’en suit une liste de noms associés à l’Art, parmi lesquels figure Auguste Renoir.

1En sélectionnant ce lien, la ressource nous renvoie sur la page dédiée à Auguste Renoir.

Cette page s’ouvre sur un avant propos de Théodore Duret, extrait de son ouvrage :               « Histoire des peintures impressionnistes » publié en 1929. Il nous dit notamment concernant notre sujet Renoir, le portait et les femmes :

 « Ce que les autres avaient fait pour le paysage, auquel ils s’étaient avant tout consacrés, Renoir l’a fait pour les êtres humains. Les personnages qu’il a peints apparaissent colorés, dans un ensemble clair, plein de combinaisons de tons, ils forment partie d’un tout lumineux. Mais il n’est point parvenu à sa manière personnelle, telle que nous la définissons, du premier coup, il ne l’a naturellement atteinte qu’en passant, comme les autres de l’impressionnisme, par certaines étapes. »

La page consacrée à Renoir est particulière et donc intéressante dans la mesure où la façon d’Agora d’appréhender l’artiste varie radicalement de celles que nous avions vues auparavant. En effet, pas de biographie, ni d’anecdotes sur son enfance mais simplement un répertoire thématique de ses œuvres organisé chronologiquement, dont la plupart sont répertoriées sur notre Flickr. Les œuvres sont classées de la façon suivante : d’abord, Peinture, Paysage et scènes d’extérieures, ensuite Portrait, nu et nature morte. Enfin, sculpture, lithographies et dessins. Nous regrettons que la catégorie « Portrait » fournisse pour la plupart des cas de liens dont le contenu est introuvable sur les sites des musées hébergeant les œuvres citées comme c’est le cas pour « Jeune fille aux marguerites » de 1889. Nous nous interesserons à « la Promenade » de Renoir consacrée au Getty Museum de Los Angeles.

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La Promenade de Renoir, 1870, huile sur toile, 32 x 25,5 cm, Los Angeles, The Getty Museum of Art

Le lien nous renvoie à une fiche technique complète de l’œuvre. On dispose également d’une courte introduction à l’oeuvre (historique, modèles représentés, choix de l’artiste, facture etc.) et de plusieurs agrandissements de l’oeuvre ainsi qu’une vue de son traitement à l’ultraviolet, ce qui peut être très utile lorsqu’on étudie l’évolution de la manière de peindre de Renoir.

Cependant, sur le site de l’Agora en lui-même, on ne trouve que la date de l’oeuvre et son lieu de conservation. Il ne fait aucun doute que le propos mériterait d’être approfondi. Cette œuvre entre dans notre problématique dans la mesure où l’artiste Renoir se sert d’une scène de genre comme faire valoir d’un portrait déguisé. En effet, la composition et les couleurs utilisées, focalisent l’œil sur la femme et laisse de coté le personnage secondaire.

On remarque dans « La Promenade » que Renoir conserve la palette de vert-brun de Gustave Courbet qu’il admirait. Ce clin d’œil se poursuit dans le choix du thème, à savoir une scène sensuelle, presque gallante, représentant deux amants perdus dans promenade dominicale du XVIIIe siècle. Ici, Renoir saisit la fugacité d’un moment d’escapade de deux Parisiens dans un parc, dont la lumière tachetée, filtrant au travers des feuillages laisse à l’œuvre la marque des impressionnistes.

Pour revenir à la page sur Auguste Renoir, cette dernière offre un espace documentation constitué de propos tenus par Auguste Renoir au sujet de ses œuvres, de son métier ou encore au sujet des Grands Maitres comme Velasquez par exemple.

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Les Grandes Baigneuses de Renoir, 1884-87, huile sur toile, 115 x 170cm, Philadelphia Museum of Art

Pour exemple, Renoir disait au sujet des « Grandes Baigneuses » : « Regardez donc la lumière sur les oliviers… ça brille comme du diamant. C’est rose, c’est bleu… Et le ciel qui joue à travers. C’est à vous rendre fou. Et ces montagnes là-bas qui passent avec les nuages… On dirait des fonds de Watteau. Ah, ce téton! Est-ce assez doux et lourd! Le joli pli qui est dessous avec ce ton doré… C’est à se mettre à genoux devant. D’abord, s’il n’y avait pas eu de tétons, je crois que je n’aurais fait de figures». (Propos rapportés par Albert André, peintre et ami de Renoir)

Il est également intéressant de relever que dans la barre latérale droite, la ressource propose des thèmes connexes. C’est le cas par exemple de liens vers l’impressionnisme ou vers Claude Monet. S’en suit un onglet renseignement sur les données biographiques de l’artiste. La ressource propose ensuite deux autres onglets extrêmement pertinent :        « Documents associés » qui regroupe des textes de critiques d’art au sujet d’œuvre de Renoir  et « Raccourcis » qui propose une sélection minutieuse de sites pertinent au sujet de l’artiste comme par exemple Renoir sur le site de l’Artcyclopedia sur lequel nous avons déjà écrit un article. Cette page nous montre donc à la fois le sérieux du site de l’Agora en nous fournissant des renseignements utiles sur les différentes techniques et thèmes employées par Renoir dans ces oeuvres (on réduit trop souvent Renoir à ses peintures) ainsi que des informations relatives à différents thèmes en utilisant les propos relatés et l’auteur Théodore Duret, spécialiste de Renoir, comme garant de ce sérieux ; mais aussi son manque cruel d’approfondissement du sujet : pas de données biographiques, certes innovant mais tout de même lacunaire, pas de notices des oeuvres etc.

Il est possible de combler ce manque puisque le site ne présente pas seulement des informations succinctes sur l’artiste dans une page lui étant réservé mais bien des articles développées à son sujet par des auteurs spécialistes, au contraire d’autres encyclopédies gratuites comme Larousse qui ne propose qu’une biographie concise de l’artiste. Ces différentes ressources sont disponibles pour l’utilisateur soit en tapant tout simplement « Auguste Renoir » dans la barre de recherche du site ou bien, sur la page Renoir dans l’onglet sur les « Documents associés ». On trouve notamment un article sur Renoir d’Elie Faure, historien de l’art et essayiste français auteur d’une Histoire de l’art monumentale et très reconnue dans ce milieu. Il raconte notamment une partie de la vie de Renoir en l’incluant dans le contexte historique et artistique de l’époque, il parle également de ses connaissances, ses amis, ses influences parmi les Grands Maitres… Puis, il évoque aussi la manière de peindre de Renoir comme une éloge à l’artiste, la mise en avant de son travail dans sa complexité et sa beauté plastique. Il dit notamment « Quand un peintre a ce pouvoir-là, tout ce que son œil rencontre est instantanément transfiguré « . C’est un article, il est vrai tendancieux puisqu’on comprend l’admiration de l’auteur pour le peintre Renoir, cependant, extrêmement bien écrit, que je conseille à tous de lire puisqu’il nous apporte une véritable sensation de l’oeuvre artistique de Renoir, quelque chose de sensitif, comme si l’oeuvre pouvait nous apparaitre grâce à la description qu’il en fait.

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Les pêcheuses de moules de Renoir, 1879, huile sur toile, 175 x 130cm, The Barnes Foundation, Merion, Pennsylvania

Un autre article intéressant à mentionner, un extrait de l’ouvrage de Théodore Duret, homme politique et journaliste français fondateur du journal critique « La Tribune », que nous avons cité plus haut, consacré à l’impressionnisme et plus particulièrement à Renoir. Il nous offre une biographie beaucoup plus approfondie que dans l’article précédent. Il met en rapport sa vie et sa production artistique dans un dessein qui est celui de retracer l’évolution artistique du peintre au fil du temps et dans l’espace. Il y a dans cet article un passage en lien avec notre sujet qui décrit le Renoir portraitiste, il évoque aussi quelques modèles appréciés de Renoir comme l’actrice Jeanne Samary ou Mme Charpentier qui fut une mécène importante pour l’artiste puisqu’elle était propriétaire d’un salon influent fréquenté par le Tout Paris littéraire et artistique. On note aussi la volonté de nous présenter des oeuvres de Renoir, tout en diversité, comme c’est le cas des « Pêcheuses de moule à Berneval », oeuvre de Jeunesse de Renoir présenté au Salon Officiel de 1880 où la facture du peintre n’est pas encore proprement matiériste et impressionniste.

En guise de conclusion nous évoquerons les points forts et faibles de l’encyclopédie de l’Agora.

Nous regrettons que le style ne soit pas assez concis, bien que ce choix fut argumenté dans son introduction et manifeste car le site réduit alors la diversité de son public ce qui  est à l’encontre du projet des Digital Humanities puisque dans le Manifeste dont nous avons parlé au début de cet article, on nous dit que c’est un projet collectif et libre d’accès mais également multilingue et sans frontières, ce que ne permet pas ce site. En effet, le site n’est disponible qu’en français et la lecture des articles est certes très enrichissante mais aussi extrêmement longue ce qui pourrait être à l’origine d’un découragement de certains utilisateurs moins avertis. On regrette aussi l’absence de contenus interactifs.

En revanche, nous avons été agréablement surpris par le fait que l’encyclopédie  développe une si vaste politique de communauté interactive, par son investissement dans les médias sociaux. On note la présence d’une newsletter.  Le point fort de l’encyclopédie est à tout point de vue l’étendu des contenus qu’elle propose mais aussi et surtout sa gratuité. Le propos y est bien rédigé avec un certain style littéraire. Autre bon point : l’encyclopédie de l’Agora nous offre 3 index, un sur les artistes, un autre sur les dossiers répertoriés, et un dernier sur les auteurs ce qui favorise considérablement la facilité de recherche du site que l’on ne distinguait pas au départ.

M. C et G.B.

NB : Nous avons décidé, dans le même esprit que l’encyclopédie Agora et que la discipline des Digital Humanities, de construire notre critique de cette ressource autour d’une collaboration constructive, d’une confrontation de points de vue divers pour enrichir nos recherches sur notre sujet Renoir et les femmes.